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Jeunes diplômé-es, nous continuons de déserter car nous refusons d’être complices

La tribune ci-dessous a été rédigée par certains membres du discours d’Agro ParisTech en 2022, les collectifs Les Désert’heureuses et Vous N’êtes Pas Seuls. Elle revient sur le phénomène de désertion des diplômé·es dans un contexte de guerre sociale ravivée par la réforme des retraites et a vocation à être diffusée dans un grand quotidien début avril.

Tu peux encore signer la tribune en passant par ce lien.

Désertons

En 2022, beaucoup d’encre a coulé au sujet de la désertion des plus diplômé·es, souvent dans la confusion et la superficialité. Nous, collectifs accompagnant ce phénomène social qui s’intensifie, voulons clarifier ce que nous mettons derrière ce mot.

Deux ans de crise sanitaire ont mis à nu l’absurdité d’un quotidien passé à travailler au service d’une économie déconnectée du réel. 2022 a été l’année des vagues de démissions, des discours dans les grandes écoles et des odes au refus du travail comme marchandise. Dans ce contexte de mouvement social d’ampleur — violemment réprimé — contre une réforme des retraites qui considère les êtres comme des ressources productivistes, nous voulons préciser pourquoi nous avons choisi de déserter, dans l’idée de donner des perspectives et d’élargir le front de la contestation.

Que désertons-nous ?

L’illusion perdure selon laquelle la fin du monde serait empêchée par les responsables du désastre : le capitalisme, l’industrie, la technologie, l’État. Quelques pistes cyclables, voitures électriques, panneaux solaires, écoquartiers et autres taxes carbones seraient des « solutions ». Or, notre régime économique repose sur l’exploitation des classes laborieuses et des milieux vivants. Il a imposé un mode de vie et une hiérarchie sur tous les territoires du globe par la violence, étouffant progressivement toute alternative.

Contraint·es de passer par la monnaie pour nous nourrir, nous loger, nous soigner, nous sommes privé·es de tout contrôle sur nos vies et de nos moyens de subsistance. Ce ne sont pas les activités artisanales, agricoles ou artistiques qui remplissent l’estomac, mais plutôt l’individualisme, la compétition et l’héritage. Pour nous, être libre, c’est être capable de prendre en charge directement et collectivement nos besoins primaires. Nous ne voulons plus dépendre de l’industrie pour y subvenir.

Jeunes diplômé·es, nous étions parti·es pour des carrières promettant confort et privilèges, en échange de notre loyauté à la classe bourgeoise dominante. Nous avons déserté, car nous refusons ce rôle de complice. Nous désertons les rangs privilégiés d’une guerre menée par le monde marchand contre le vivant. Nous désertons le carriérisme, et les vaines tentatives de verdir le monstre depuis son intérieur. Nous désertons le culte de la technologie, et les fausses solutions promises par l’industrie pour combattre ses propres fléaux.

Déserter pour mieux riposter

Nous souhaitons sortir de l’entre-soi et entrer en résistance, aux côtés de celles et ceux qui se battent pour la terre et la liberté. De la défense des communs à la lutte contre les politiques autoritaires et impérialistes, nous partageons nos connaissances des rouages de la machine avec celles et ceux qui tentent de l’enrayer. Cadres dits « supérieurs », habitué·es à la ville, aux salles de cours et aux bureaux, nous ne sommes pas les mieux placé·es pour nous réinventer paysan·nes et artisan·es. Alors nous apprenons auprès de personnes qui vivent humblement et fièrement, sachant faire des choses par elles-mêmes.

Nous n’inventons rien. Des luttes marronnes aux exodes anti-industriels post-68, du refus de parvenir ouvrier du début du XXème aux stratégies zapatistes des années 80, nos désertions trouvent leur inspiration dans une histoire riche de mouvements qui ont voulu tantôt résister à l’oppression, tantôt transformer leur monde, mais toujours en défaisant le pouvoir plutôt qu’en le conquérant.

Sortir des oppositions stériles

Nous souhaitons en finir avec le faux débat opposant « les privilégié·es qui désertent pour élever des chèvres » et « les collabos réformistes qui restent à l’intérieur ». Nous mesurons que la critique radicale de la société que nous portons est partagée par beaucoup, que des alliances sont à construire. Nous pouvons avoir des méthodes différentes : avec ou sans les institutions ; légales ou illégales ; violentes ou non ; locales, régionales ou nationales, voire internationales. Nous acceptons la diversité des tactiques, tant que l’on partage un horizon commun.

Ceci dit, beaucoup d’énergie est mobilisée aujourd’hui pour résister depuis l’intérieur, quand nous sommes encore trop fragiles pour construire de vrais rapports de force depuis l’extérieur. Nous n’enrayerons pas la spéculation sur le foncier agricole en la dénonçant uniquement, mais en allant physiquement reprendre les terres ! Nous ne règlerons pas le problème de la sécheresse avec des petits gestes, mais en reprenant la gestion commune de l’eau, en commençant par mettre un terme aux projets de méga-bassines !

Nous ne ferons pas la transition avec des centrales de production industrielle d’énergie, qu’elles soient nucléaires ou « renouvelables », car elles reposent sur un pouvoir centralisé, un régime néocolonial, des infrastructures nuisibles et alimentent la même mégamachine. Pour nous, la transition se fera en démantelant ces technologies autoritaires et l’extractivisme global !

Chez les révolté·es solitaires, l’isolement face à l’ampleur du désastre peut générer un sentiment d’impuissance écrasant. Il paraît souvent inconcevable de tout plaquer pour s’engager, sans solution ou plan à grande échelle. Mais il n’y aura jamais de chemin facile, de bouton « sortir du cauchemar » ou de bulletin de vote magique. Déserter, c’est aussi briser cet isolement pour se redonner une puissance d’agir collective. Notre désertion est joyeuse, elle nous rend conscient·es, capables, fier·es de nos apprentissages, et solidaires avec celles et ceux qui croisent nos routes.

Étudiant·es, salarié·es, retraité·es, sans emplois… Désertons ! Envisageons toutes les formes de désertion comme des options non seulement possibles, mais nécessaires, sérieuses, et désirables. Créons des réseaux de subsistance où chacun·e pourra vivre dignement. Préparons-nous à lutter pour celles et ceux qui nous entourent et en solidarité avec celles et ceux qui sont loin, pour défendre des milieux vivants et pour reprendre aux tout-puissants ce qui appartient à tous·tes…

Construisons un mouvement large et transversal de démissionnaires solidaires pour renverser le rapport de force !

Des membres du discours d’Agro ParisTech en 2022, les collectifs Les Désert’heureuses et Vous N’êtes Pas Seuls.

Collectifs signataires

Anti-Tech Resistance

Association Nationale Pour La Biodiversité

Campagne Glyphosate Rhône Loire

Connexion Paysanne

Coopérative Européenne Longo Maï

Desinfo.Info

Deux Points Ouvrez Les Guillemets

Désobéissance Écolo Paris

Éditions La Lenteur

Fresque Des Low-Techs

Hors D’la Loire

Ingénieur·e·s Engagé·e·s

Ingénieur·e·s Engagé·e·s Lyon

Ingénieur·e·s Sans Frontières Insa Lyon

L’archipel Du Vivant

L’équipe Du Documentaire « Si maintenant on y allait »

Les Ateliers Icare

Les Communaux

Mouvement pour des Savoirs Engagés et Reliés

Raba Joie – Riposte Autonome pour une Bascule dans l’Amour et la Joie

Reprises de savoirs

Revue Z / Les Éditions de la dernière lettre

Terres de Luttes

Ultra Sieste

Personnes signataires

J.François, retraité ingénieur agro, Paysan

ADOLPHE Antonin, paysan militant, déserteur de l’École Polytechnique

Alban H, ingénieur Systèmes Embarqués

ALMAZÁN Adrián, professeur de philosophie

ALTMAYER Victor, médecin

ANDRE Guillaume, psychanalyste. Ancien directeur d’hôpital, déserteur en 2018

ANNA Jean-Christophe, co-fondateur de L’Archipel du Vivant

AUDIC Martin, déserteur du génie mécanique et industriel

Aurèle, étudiant ingénieur environnement

AUTUNNO Mahée, ingénieure en agro-développement international.

AVIGNON Marianne, doctorante

Romain, exploité

BADEL Louis, étudiant

BAFFOU Nataël, étudiant

BERLAN Aurélien, auteur, traducteur, enseignant-chercheur

BERNARD Florian, créateur d’entreprise

BERNI-ANDRÉ Victoria, journaliste, militante écologie intersectionnelle, déserteuse du génie urbain

BODIN Xavier, chercheur CNRS

BONNEUIL Christophe, historien

BORIUS Rémy,   ingénieur

BOSSU Norbert, ingénieur transition énergétique

BOUCHER Romain, ingénieur déserteur, membre du collectif Vous N’êtes Pas Seuls

BOUGOUIN Adeline, paysanne et Docteure en Agriculture

BOURDEAUD Nicolas, futur double diplômé ingénieur ISAE-Supaero et Sciences Po Paris

BRETON Jérôme, interdépendant

BUREAU Julie, assistante caméra

CANNILLA Victor, ex-trader et ex-consultant BCG, YouTuber Kraken Debrief

CASTAGNA Jérôme, multi-activiste

CHAIGNEAU Romane, paysanne en cours d’installation

CHARLES Aurélien, étudiant ingénieur

CHAUPIN Julia, jardinière

CHAUVIN Lise, ingénieure électronique en reconversion

CHENEVEZ Sandrine, enseignante agricole

CHERBUT Julie   , retraitée apicole

CHOISNE Clément, ingénieur issu de la classe ouvrière, en périple décroissant

CLERGEAU Charlotte, agricultrice

COMBREAU Cyril, ex-ingénieur éolien, déserteur

CORDIER Morganne, ingénieure en agrodéveloppement

COUTURIER Pierre, maître de conférences

COZON Stéphane, ingénieur agricole, paysan retraité

DAVIET Étienne, ingénieur en énergie et environnement

DE GIVRY Anna, étudiante

DEANSE Amandin, activiste et salarié·e saisonnier·e en arboriculture

DEBORDE Quentin, étudiant

DECKA Jean-Philippe, doctorant-chercheur

DENZLER Antoine, ingénieur déserteur en quête de poésie du monde

DIANCOFF Grégory, indépendant

DIEUDONNÉ Lina, consultante environnement

DRAMSI Shaynoor, directrice de recherche

DUGUET Rémi, écologue

DWORNICZEK Xavier, ex AgroParisTech mobilisé pour préserver l’avenir de Grignon

DÉSIR Jérémy, Quant déserteur, activiste écologiste

ERADES Quentin, travailleur social

EZÉQUEL Maxime, déserteur intermittent

FERRARI Catherine, retraitée de l’éducation nationale

FOILLERET Christian, maraicher et transformateur

GALANT Bastien, étudiant

GAUTIER Mélodie, salariée

GAYON Benjamin, docteur en aménagement de l’espace, salarié associatif et militant

GIACINTI Chloé, militante

GINOT Gaël, chercheur post-doctorant, CNRS

GIRAULT Félix, maîtrise d’ouvrage pour projets anticapitalistes

GOSSELIN Sophie, philosophe, membre de Terrestres

GOUDAL Sophie, dentiste

GOUEYTHIEU Jean-Pierre, enseignant anticapitaliste

GOUYON Pierre-Henri, professeur émérite au Muséum National d’Histoire Naturelle

Gui, paysan artisan et ingénieur déserteur

GUIGON François, support déter’

GUILLOT Pierre-Louis, étudiant

GUTIERREZ Marin, collectiviste en apprentissage

HERVE-GRUYER Charles, fondateur Ferme du Bec Hellouin

HERVE-GRUYER Lila,éditrice

HERVE-GRUYER Rose, étudiante

HERVÉ Tugdual, paysan

HUET Liliane, salariée agricole

HUOT Gabriel, néo-boulanger

HUPÉ Jean-Michel, chercheur CNRS en écologie politique

HÉLIN Julie, facilit’actrice en transition écologique

IZOARD Celia, autrice, journaliste

Jean-Paul, docteur en biologie

JEAN Yoann, maraîcher en devenir

JULIENNE Théophile, étudiant à l’École Normale Supérieure de Lyon

JÉGOUX Florence-Marie, formatrice, facilitatrice travail qui relie, pollinisatrice

KERARON Lola, une agro qui déserte

KERARON Yves, ingénierie digitale

KERBIRIOU Nils, étudiant

KNORR Cortney, ingénieur déserteur

KRIEGER Emmanuel, doctorant

KUNTZ Mathieu, étudiant, élu communal, cofondateur de L’Archipel du Vivant

LABAT Tibo, membre du collectif Défendre-Habiter

LANTIERI Esteline, militante écolo

LAPLACE Sandrine, chercheuse au CNRS

LAURENT Anthony, journaliste

LAURENT Antonin, juriste déserteur-euse dans une ferme collective

LAURENT Clément, zadiste

LAVEAU Manon, autoentrepreneure

LAZARE Léna, activiste écologiste

LE GOAS Walter, salarié

LE MEN Gaëlle, déserteuse et décroissante

LEGENTILHOMME Nathalie, infirmière

LEGRAND Arnaud, directeur de recherche CNRS

LEMERY Marion, ex-doctorante en optimisation, déserteuse

LEMOIGNE Christelle, future élève en orthoptie

LEWIS Amanda, designer et artiste

LIEVENS Laurent, enseignant-chercheur et lanceur d’alerte

LOUER Anne, sophrologue et permacultrice

LUCAS Jonathan, technicien du son

MAHÉ Valérie, ouvrière

MAILLET Mathilde, étudiante

MALEK Gabriel, président d’Alter Kapitae

MANDIL Guillaume, enseignant-Chercheur

MANGEOT Mathieu, enseignant-chercheur en sciences de la soutenabilité

MARENDAZ Mathilde, étudiante en géographie, militante, députée du canton de Vaud en Suisse

MATEUS Quentin, animateur de projet associatif

MAY Tony, libraire

MERCIER Manuel, chercheur – Membre de l’AtÉcoPol d’Aix-Marseille

MEYER Yohan, écrivaingénieur

MINET Faustine, étudiante

MODICA Critiana, agricultrice

MONNIER Anne, ingénieure transition énergétique

MOREL DARLEUX Corinne, autrice

MORICE Philippe, paysan bio

MORICE Yoann, paysan bio

NAPOLI Baptiste, chargé de mission

OBERLÉ Philippe, rédacteur sur Greenwashingeconomy.com

OHIER Nadine, paysanne bio

Oncle H, éditeur de desinfo.info

ORLIAC Charlotte, ingénieure, coach, artisane du changement

ORY Joseph, étudiant-apprenti en agronomie

PAROUBEK Stéphane, ingénieur démissionnaire

PEDEMONTE Nicolas, membre de Time for the planet

PERRON Marie-Alexandra, ex-architecte d’intérieur, enseignante-militante, en voie d’autonomie collective

PEUGEOT Juliette, salariée agricole bio

PEYRACHE Jean-Philippe, enseignant dans le supérieur

PEYRUS Florent, con-citoyen engagé

PIELY Edouard V., Journaliste indépendant, membre de la rédaction de Sciences Critiques

PINSARD Maxime, apprenti-écologue, ex-ingénieur-chercheur

PLATZER Paul, chercheur en mathématiques appliquées

PLETERI Nolwenn, animatrice santé

PORTALEZ Régis, diplômé de l’école Polytechnique

PROST Maëlle, étudiante

PRUVOST Geneviève, directeur de recherche au CNRS

RAFANELL I ORRA Josep, psychologue et écrivain

RAGUET Hugo, maître de conférences en informatique

ROBERT Kévin, ingénieur de recherche

ROMETTE Valentin, ingénieur éco-construction

RONEY Cécile, en désertion

RONSIN Gaëlle, sociologue

ROSO Claire, animatrice dans un Tiers lieu paysan, ex AgroParisTech

SAADA Paul, étudiant

SANSON Lise, étudiante ingénieure agro

SAUXPICART Stéphane, salarié

SCHMID Vincent, ingénieur

SCHRUIJER Floris, déserteur réalisateur

SCHULER Guillaume, fonctionnaire chargé de mission

SCOTET Gwennhaëlle, compostrice

SERVIGNE Pablo, ingénieur agronome et auteur

SILVANT Manon, activiste environnementale

SOUBRA Baptiste, ingénieur déformé, doctorant Cnam et Activiste

Stephen, déserteur apatride

SÉCHAUD Tristan, étudiant

TACONNÉ Marie, en reconversion

TANGUY Isabelle, coach

TERESO Manon, étudiante

TERRIER Jérôme, dit Skippy, ingénieur déserteur, dessinateur

THIÉBAUT Élise, féministe, autrice, et journaliste française.

TOURVIEILLE Samuel, étudiant ingénieur

TRIQUENEAUX Sébastien, membre de Scientifiques en Rébellion

TRÉHUÉDIC Kevin, enseignant-Chercheur

URTIZBEREA Tristan, ex-ingénieur, auteur et formateur

VANDAME Emmanuel, paysan

VERRON Loris, doctorant

VEYER Stéphane, mouvement coopératif

VIDALOU Jean-Baptiste, bâtisseur en pierre sèche

VIGIER Marie-Paule, infirmière retraitée

VINDARD Thomas, en tour de France des initiatives écologistes

VIVANT Thomas, paysan

VULLIET Jean, activiste, paysan retraité

WATEAU Mathilde, onusienne déserteuse

WIRTH Antonin, déserteur en 2015, actuellement paysan

YOLI Lou , technicienne dans les énergies renouvelables

YOUNG Aïdanne, étudiante